Chronique

Papanosh

A Very Big Lunch

Sébastien Palis (p, kb), Quentin Ghomari (tp, fh), Raphaël Quenehen (as, bs), Thibault Cellier (b), Jérémie Piazza (dms).

Label / Distribution : Label Vibrant

Les Rouennais de Papanosh frappent juste avec un cinquième disque pétri de références littéraires puisque sa musique leur a été inspirée par l’univers de Jim Harrison (1937 - 2016). Ce romancier haut en couleurs s’était adonné à l’écriture dès l’adolescence, poussé par des convictions romantiques mais aussi en raison de l’ennui que lui inspirait « le mode de vie bourgeois et middle class ». Dalva, Un bon jour pour mourir, Légendes d’automne… Trois exemples d’une œuvre charnelle d’où émane une appétence pour la bonne chère en même temps qu’une fascination pour les Indiens et le grand spectacle de la nature, vers l’Arizona ou le Mexique. Clin d’œil supplémentaire, le titre de l’album, A Very Big Lunch, fait écho à A Really Big Lunch, un livre de… cuisine signé Jim Harrison !

Il y a de la gourmandise dans l’air. Et surtout une démonstration de maîtrise : car ce disque habité est le témoignage « vibrant » (une qualification bienvenue puisque Papanosh est l’une des têtes de pont du collectif Les Vibrants Défricheurs) d’une quête dont l’intensité traverse les huit compositions aux mélodies persistantes, toutes signées Sébastien Palis. Oui, il est bien une aventure – à l’image des romans dont il s’inspire – dont les personnages sont parfois tout simplement les grands paysages que l’on devine aisément à l’écoute de certains thèmes majestueux (« Faux soleil », « Nord Michigan »). La musique, tout en écriture concise et dense, à la manière d’un scénario haletant (« Grand Maître »), peut aussi se révéler figurative et prendre les allures d’une errance dans la forêt - tel ce « Wolf » qui est à l’origine un personnage en forme de double de Harrison lui-même - ou d’une course folle vers les grands espaces (« Westward Ho »), ou encore d’une évocation nostalgique et entêtante (« Dalva »).

Papanosh est un collectif mû par une force – un grand vent – qui le pousse à aller de l’avant, porteur d’une pulsation à laquelle il semble difficile de résister. Passons sur les pédigrées de ces aventuriers, une poignée d’irréductibles dont le jazz expérimenté exsude la générosité et la vigueur : Quentin Ghomari (trompette et bugle), Raphaël Quenehen aux saxophones, Thibault Cellier à la contrebasse et Jérémie Piazza à la batterie. Ce quintet qui nous enchante depuis pas mal d’années poursuit sa route avec un disque impétueux, essentiel aussi en ce qu’il est une déclaration d’amour à la vie. La vraie, celle qui se boit, se mange, se respire, se joue. Bon appétit !