
Sweet Dog + invitées
Sweet Dog on The Moon
Julien Soro (ts, ss, keyb), Paul Jarret (g), Ariel Tessier (d), Catherine Delaunay (cl), Émilie Lesbros (voc).
Label / Distribution : Inouïe Distribution
Laïka, elle, n’en est jamais revenue. Si l’heure n’est plus à envoyer des chiens seuls dans les étoiles, le trio qui compose Sweet Dog, dont nous suivons les aventures depuis de nombreuses années, a décidé de partir vers la Lune. Il ne sera pas seul : aux côtés de la guitare de Paul Jarret, dont le travail souterrain de « The Great Battle » en connexion avec la batterie irascible d’Ariel Tessier est particulièrement puissant, on retrouve deux invitées qui façonnent une image différente de l’orchestre. Avec des personnalités fortes comme Émilie Lesbros et Catherine Delaunay, deux magnifiques conteuses, Sweet Dog n’avait d’autre choix que de se mettre promptement en orbite, dans la fureur des anches de Julien Soro, plus direct et moins électronicien que dans les précédents albums.
C’est Émilie Lesbros, en premier lieu, qui impressionne. Julien Soro et elle ont joué ensemble dans le Kami de Pascal Charrier, et on perçoit immédiatement une grande complicité. C’est le cas dans « Chemins vers la Lune » où l’étrange se mélange à une certaine noirceur grâce au travail de fond de Paul Jarret. Soro et Delaunay introduisent l’atmosphère avec douceur et poésie dans une atmosphère presque romantique qui va gagner en gravité et en puissance à mesure qu’elle monte dans les étoiles, joyeux paradoxe. Lorsque Lesbros s’invite dans le morceau, c’est d’abord avec des atours lyriques avant de divaguer dans un éther fait de phonèmes où la batterie de Tessier est le seul fil d’Ariane. Ailleurs, la chanteuse use de mots d’une grande poésie, de « Life Is About Dancing », de front avec la clarinette de Catherine Delaunay, jusqu’à « Les Gens », sans doute le morceau le plus saisissant de cet album.
Car tout ici est parfaitement improvisé, y compris les textes. Il y a dans ce Sweet Dog On The Moon une légèreté et une liberté qui affleurent dans chaque morceau, et ces poésies en sont le symbole. « Life Is About Dancing » est fluide et dégingandé quand « Les Gens » est doucement rêveur. Le travail collectif de Soro et Jarret dans ce morceau dont ils dessinent l’architecture avec beaucoup de subtilité est le symbole de cette évolution de Sweet Dog, moins chien fou et plus aventureux. Cela poursuit le chemin de ces musiciens qui, de Players à l’ALE, ont largement renouvelé leur propres esthétiques individuelles. On ne serait pas surpris si, de retour de la Lune, le trio devenait durablement quintet.