Chronique

Dikeman, Warelis, Lumley, Hong

Old Adam on Turtle Island

John Dikeman (ts), Marta Warelis (p), Aaron Lumley (b), Sun-Mi Hong (d)

Label / Distribution : Relative Pitch

John Dikeman est de ces saxophonistes qui pourraient n’être que fureur. Mais comme Akira Sakata auquel on songe souvent à son écoute, l’étasunien installé depuis des années au Benelux a son compte de finesse et son jeu a suffisamment de relief pour qu’on sache immédiatement que l’univers est plus vaste. Le ténor sait parler aux éléments, pour peu qu’il soit bien accompagné. De Peter Jacquemyn à Hamid Drake, l’entourage n’a jamais été un problème ; ça ne l’est pas davantage lorsque vos compagnons de route sont la finesse même du piano de Marta Warelis ou le jeu d’archet nerveux et profond d’Aaron Lumley. « Choral », l’une des parties du second morceau de Old Adam on Turtle Island représente cette alchimie ; le piano est aérien avant de devenir plus insistant, comme une vague. La contrebasse est un pivot fait d’un bois vivant et transcendé, un saxophone puissant au son très rond. Trois nationalités, Pologne USA et Canada, une seule ville : Amsterdam, créative par excellence.

On avait déjà entendu ces trois-là ensemble dans un discret Sunday at de Ruimte il y a quelques années. Frank Rosaly parti, ajoutons une quatrième nationalité avec la coréenne Sun-Mi Hong, parfaitement dans son univers dans cette musique. Dans la première partie de cette suite écrite par Dikeman, « The Rev-Descent-Choral-Let’s Try », elle offre un jeu de ponctuation du propos qui se lie avec beaucoup de bonheur au piano percussif de Warelis. L’approche est différente de Frank Rosaly, elle est bien plus charnelle, proche du travail opiniâtre du percussionniste lorsqu’elle manipule des objets pour donner de l’ampleur au jeu d’archet de Lumley. Le jeu du quartet n’est jamais aride, avec un sentiment de cycles menés par un saxophone assez en avant, malgré une dynamique collective.

Si Sunday at de Ruimte était parfaitement improvisé, Old Adam on Turtle Island est donc un travail d’écriture de Dikeman. Le résultat est très poétique et souvent à cheval sur une ligne de fracture ou tout semble prêt à craquer à tout moment. A ce jeu, Marta Warelis propose toujours des climats parfaits et jouant avec le soin permanent de transcender le travail de ses compagnons, à l’image de la toute dernière partie du premier morceau lorsqu’elle accompagne d’un ostinato cristallin l’avalanche du saxophone de Dikeman. Ce disque paru chez Relative Pitch est, on l’espère, le premier jalon d’un travail collectif.

par Franpi Barriaux // Publié le 30 mars 2025
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