Scènes

Loose Assembly mérite bien son nom

Le 15 août a marqué la reprise des hostilités à Chicago avec une belle surprise.


Photo : Alain Drouot

La salle Constellation a repris une programmation hebdomadaire laissant aux musiciens le choix de jouer devant un public, les productions étant également retransmises en streaming. L’un de ces concerts a permis de retrouver Loose Assembly, le quintette dirigé par le batteur Mike Reed avec Tomeka Reid au violoncelle, Jason Adasiewicz au vibraphone, Joshua Abrams à la contrebasse et Greg Ward au sax alto et aux claviers électriques. Le groupe n’avait pas joué dans sa formation originelle depuis environ six ans.

Ce retour à la scène et à la musique vivante pour les cinq musiciens de Loose Assembly s’opère devant un parterre d’une quarantaine de spectateurs. Pour l’occasion ils proposent une tapisserie sonore composée de plusieurs « tableaux » reliés les uns aux autres par des transitions totalement improvisées. Les compositions utilisées reflètent les influences des musiciens, allant du légendaire saxophoniste de Chicago Fred Anderson à Sun Ra, en passant par la soul des Platters et le jazz éthiopien du percussionniste Mulatu Astatke. Mike Reed en profite également pour dévoiler deux nouveaux morceaux en attente de titre.

Le concert commence par une improvisation collective, une approche qui se répètera plus tard pour assurer le liant entre les compositions. Ces transitions ouvrent des espaces de plus grande liberté même si elles proposent des climats similaires le plus souvent éthérés, mélancoliques, parfois même planants. Jason Adasiewicz est le seul à venir bousculer le statu quo en apportant des éléments corrosifs—le vibraphoniste jouant souvent le rôle d’électron libre tout au long du concert.

Pour ce qui est des compositions, Loose Assembly s’attaque d’abord au « Watusa » de Sun Ra qui bénéficie d’un traitement enjoué respectueux de l’original. Puis vient « Bernice », un morceau que Fred Anderson avait écrit pour sa femme, que le groupe joue avec une nonchalance calculée, le transformant en poème tonal soutenu par une ligne de basse souple fournie par Joshua Abrams. Le solo plein d’intelligence de Greg Ward est caractéristique de la démarche du saxophoniste : prendre son temps pour développer des idées, ce qui met d’ailleurs en valeur le son mat de son instrument. La version de la chanson soul « My Prayer » décrit de belles arabesques ponctuées par les glissandi de Tomeka Reid. Le « Tezetayé Antchi Lidj » de Mulatu Astatke voit quant à lui nos protagonistes retourner à une agréable langueur accompagnée d’une rythmique chaloupée.

Enfin viennent les dernières réalisations du batteur. Le premier morceau propose de la fantaisie et de la légèreté avec la violoncelliste en soliste qui nous emporte dans ses tourbillons avant de laisser la place au saxophone posé et profond de Ward. Le second est songeur et méditatif. Il est construit autour du vibraphone et Adasiewicz dont le solo carillonnant souligne encore une fois que la responsabilité de produire des contrastes repose sur ses épaules.

Pour conclure, Mike Reed n’oublie pas de saisir cette opportunité pour saluer Joe Segal, impresario du Jazz Showcase, l’un des plus vieux clubs de jazz des États-Unis, qui nous a quittés le 10 août.