Scènes

No(w) Beauty au Hot-Brass

No(w) Beauty, un quartet sans leader à Aix-en-Provence, le 8 février 2024.


© Patrick Martineau

Formé il y a une paire d’années, le quartet No(w) Beauty développe un répertoire de jazz contemporain qui emprunte aussi bien au hip-hop qu’à la musique de la Renaissance. Encore une fois, le patron du Hot-Brass, Jean-Paul Artero, a su prendre le risque - calculé -d’une programmation exigeante.

Enzo Carniel, Hermon Mehari © Patrick Martineau

D’emblée, ce quartet sans leader (Hermon Mehari (trompette), Enzo Carniel (piano), Damien Varaillon (contrebasse) et Stéphane Adsuar (batterie) nous plonge dans un espace empli de grooves poétiques, générant des labyrinthes émotionnels entre les brusques variations de timbres d’une trompette superlative, un piano dont la douceur le dispute à l’impétuosité et une rythmique soyeuse et rageuse simultanément. Ces oxymores génèrent des horizons kaléidoscopiques, nourris par des polyphonies et polyrythmies confondantes. Tellurique et spirituel, le jeu du batteur s’agrège malicieusement à la main gauche, féline, du contrebassiste, dont la main droite génère des pulsations collectives, faisant écho aux intentions hypnotiques du pianiste et aux courbes incandescentes esquissées par le trompettiste.

Des échos de gospel se font entendre au détour de compositions aux airs d’hymnes. On a la sensation d’archaïsmes dans ce jazz du futur. Le thème « Organa », en particulier, composition du pianiste inspirée par la musique de la Renaissance, semble empli de boucles subliminales avec ses trilles ravageurs dont chaque musicien se fait l’écho. Le pianiste précisera que le disque contient des boucles électroniques mais que le choix a été fait, pour les prestations live, d’un set entièrement acoustique. Un thème de Pat Metheny d’une grooverie crépusculaire et une interprétation magistrale du standard « For All We Know » clôtureront le concert, manière de rappeler, si besoin en était, que ces musiciens sont d’authentiques jazzmen, ce dont on ne doutait guère.