Kris Davis Diatom Ribbons

Peu nombreuses sont, pour l’heure, les femmes ayant enregistré en leadeuse dans le mythique club du Village Vanguard. On pourra désormais ajouter la pianiste Kris Davis qui, avec cet enregistrement, ajoute son nom à l’impressionnante liste des grands noms ayant écrit les riches heures de cette musique et qui, reprenant le jazz là où on l’a laissé, le poussent un peu plus loin.

Accompagnée de son groupe Diatom Ribbons qui avait publié en 2019 un disque resté dans les mémoires par son casting hors normes et sa capacité à articuler une multiplicité de langages en une conversation commune, la pianiste canadienne installée à New York donne aujourd’hui une version live d’un répertoire en rien figé.

Le jeu de ce quartet complété par la guitare de Julian Lage est en effet en mouvement constant, il coule d’un climat à un autre avec facilité et sans rupture de ton. On navigue ainsi d’un swing traditionnel à la belle tonicité à des atmosphères plus abstraites qui montrent l’étendue du savoir musical de Davis. Eric Dolphy, Conlon Nancarrow, Wayne Shorter ou la voix d’Olivier Messiaen sont ainsi convoqués dans un melting-pot propre à notre époque et qui trouve sa juste expression dans le New-York d’aujourd’hui.

Main gauche du clavier obsédante, basse grasse et puissante, batterie fureteuse tout autant que garante du tempo, les musiciens défrichent à tout va et inventent un objet hybride contemporain, qui fonctionne. Preuve en est la présence de Val Jeanty aux platines et à l’électronique, qui crée une matière sonore s’entrechoquant avec les cordes plus classiques du guitariste.

Si le second disque manque un peu de relief par rapport au premier plus stimulant, cette approche musicale en fait toutefois un objet original à découvrir, par bien des manières jubilatoire. Les deux versions de « Dolores » (de Shorter) sont par ailleurs un régal.