Chronique

Black Lives from generation to generation

Label / Distribution : Jammin’ Colors

Une initiative salutaire de la part de Stefany Calembert-Washington. L’épouse du bassiste Reggie Washington, ne supportant plus les crispations identitaires génératrices de racisme, envers les Noirs principalement, s’est lancée dans la production d’une compilation à même d’éveiller les consciences, en mobilisant notamment des artistes avec lesquels son mari travaille. On pourrait évidemment penser à la démarche d’Abbey Lincoln et Max Roach lorsqu’ils produisirent le disque « We Insist ! » à l’apogée de la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis. La productrice, basée à Bruxelles avec sa famille métisse, réussit le tour de force de convier à s’exprimer des artistes issus des pourtours de l’Atlantique Noir.
Ainsi sont présents des Africains, comme le Malien Cheick Tidiane Seck et la Sud-Africaine Tutu Puoane, établie en Belgique depuis près de vingt ans, ou encore Yul, batteur d’origine béninoise établi dans la région marseillaise. Côté Etats-Unis, elle a su convaincre la chanteuse lyrique Alicia Hall Moran de se joindre au projet (sur un mix concocté par DJ Grazzhoppa, l’un des promoteurs du turntablism en Belgique, avec Reggie Washington à la basse, présent sur d’autres plages), de même qu’elle s’est adjoint les services des frères Strickland (Marcus le saxophoniste et E.J. le batteur sont présents, chacun avec son propre groupe), ou encore le vénérable sax ténor Oliver Lake - l’un des fondateurs du World Saxophone Quartet -, le saxophoniste novateur Immanuel Wilkins, l’activiste artistique Stephanie McKay, sans oublier le sémillant trompettiste Jeremy Pelt. Elle a su aussi s’assurer les services de la diaspora antillaise française : Jacques Schwartz-Bart, Grégory Privat ou encore Sonny Troupé sont de la partie.
La compilation esquisse les contours d’une cartographie musicale de la conscience noire, se posant comme une étape plus que nécessaire dans la lutte contre le racisme, en écho évidemment au mouvement Black Lives Matter. Une tournée live a commencé en cet automne 2022, alors même qu’une parole raciste de plus en plus décomplexée déverse une bile brune sur l’Hexagone. Un disque de résistance donc. Indispensable.

par Laurent Dussutour // Publié le 18 décembre 2022
P.-S. :

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