Chronique

Gard Nilssen´s Supersonic Orchestra

If You Listen Carefully The Music Is Yours

Personnel détaillé en fin de chronique

Label / Distribution : Odin Records

On avait récemment adoré To Whom Who Buys a Record, le dernier album du batteur norvégien Gard Nilssen, enregistré avec son trio Acoustic Unity (Peter Eldh, André Roligheten). Le voici qui revient avec un autre projet, dantesque celui-là. Imaginé lors d’une résidence dans le cadre du festival de jazz de Molde, le Supersonic Orchestra regroupe un des plus beaux line-up du moment (Eldh et Roligheten sont évidemment présents mais également Mette Rasmussen, Hans Hulbækmo, Hanna Paulsberg, Thomas Johansson, Eirik Hegdal, Ole Morten Vågan ou encore Maciej Obara (avec qui Nilssen collabore depuis quelques années) au sein d’un orchestre monstre (trois batteurs, trois contrebassistes et dix soufflants). Le disque est la captation du concert de clôture de la résidence, enregistré le 19 juillet 2019 devant un public plus qu’enthousiaste.

Ce qui frappe dès la première écoute, c’est l’énergie et la joie que dégage la musique. Comme si Nilssen avait invité toute sa famille musicale à se joindre à lui pour une grande fête épique et orgiaque. Dès les premières mesures de « Premium Processing Fee » on est happé par la masse de l’orchestre, avec l’impression de prendre un mur de son en pleine figure. Cette impression perdure tout au long de l’album au gré des variations et des changements de rythmes dont l’écriture à deux mains de Gard Nilssen et André Roligheten est coutumière. Que ce soit sur d’anciens morceaux (« Bøtteknott/Elastic Circle », « Jack ») revisités ou sur de nouvelles compositions (« Teppen Dance », « The City Of Roses »), ces deux-là cultivent un sens du rythme et un art du rebond, qu’ils distillent par petites touches, de montées paroxystiques en descentes aux enfers, de soli enflammés en retour au collectif. La transe n’est jamais loin. La danse omniprésente. Ils associent les timbres et les textures tels deux sorciers, créant un son de groupe dense et démoniaque que n’auraient pas renié de grands anciens comme Mingus ou Sun Ra.

Le génial « Bytta Bort Kua Fikk Fela Igjen » clôt l’album, dans un hommage appuyé à l’afrobeat de Fela Kuti et de son maître tambourinaire Tony Allen, dans lequel les trois batteurs (Hans Hulbækmo, Håkon Mjåset Johansen et Gard Nilssen) semblent ne faire plus qu’un, distillant une pulsation démentielle sur laquelle l’orchestre se donne sans compter.
Après plus d’une heure d’écoute, on ressort rincé, totalement abasourdi par ce déluge gargantuesque. Un regret nous étreint malgré tout, celui de ne pas avoir pu assister à un tel concert. Heureusement, il nous reste cet enregistrement, qui restera longtemps, à n’en pas douter, sur notre platine.

Personnel :
Hanna Paulsberg (ts, perc), Kjetil Møster (saxes, perc), André Roligheten (saxes, clb, perc), Per “Texas” Johanson (ts, clb, cl, perc), Maciej Obara (as, perc), Mette Rasmussen (as, perc), Eirik Hegdal (saxes, cl, perc), Thomas Johanson (tp, perc), Goran Kajfes (tp, perc), Erik Johannesen (tb, perc), Petter Eldh (b, perc), Ingebrigt Flaten (b, perc), Ole Morten Vågan (b, perc), Hans Hulbækmo (dm, perc), Håkon Mjåset Johansen (dm, perc), Gard Nilssen (dm, perc)

par Julien Aunos // Publié le 13 décembre 2020
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